En campagne dans les Terres Australes

En campagne dans les Terres Australes
Pêche et science sont toujours étroitement liées. Jules Selles, chargé de mission modélisateur Halieute en poste au muséum national d'histoire naturelle nous raconte sa dernière expérience de campagne pêche dans les terres australes.

Zoom sur les Terres australes et antarctiques françaises

Les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) sont un ensemble de territoires ultra-marins situés dans l’Océan Indien. Parmi ces territoires, j’aimerais vous parler de St Paul et Amsterdam, des îles du bout du monde que seules quelques privilégiés ont la chance de découvrir. Le Museum National d’Histoire Naturelle (MNHN) mène des travaux de recherche sur les populations de poissons et de crustacés exploitées dans ces territoires, notamment la langouste australe (Jasus paulensis) et divers poissons dont la fausse morue (Latris lineata), le cabot de fond (Polyprion oxygenios) ou encore le rouffe antarctique (Hyperoglyphe antarctica).

C’est dans le cadre de ce programme que les équipes du MNHN étudient les traits d’histoire de vie et modélisent la dynamique des populations depuis plus de 40 ans. Ces modèles s’appuient sur des données collectées au cours d’expéditions scientifiques ou de campagnes de pêche. Il s’agit de suivre les évolutions des populations exploitées, en estimant leur biomasse à partir des prélèvements de pêche, de différentes mesures sur les individus et de divers tissus biologiques. Ces opérations ont permis de marquer de nombreux individus au cours des dernières années et les prélèvements d’otolithes, pièces calcifiées présentes dans l’oreille interne, nous ont renseigné sur l’âge et la croissance des individus.

Prélèvements et marquages scientifiques

Pour prélever les individus, les scientifiques s’appuient sur les captures des campagnes de pêche et sur les prélèvements des agents embarqués à la ligne ou au casier. Les pêcheurs récréatifs, scientifiques ou agents des TAAF présents sur la base Martin de Viviès à Amsterdam, sont également mis à contribution en apportant des informations sur leurs prises.

Lors de la dernière campagne de pêche, des opérations de marquage de langouste et de fausses morues ont été programmés afin de mieux comprendre le comportement de ces espèces et valider les estimations de densité. C’est ce qui m’a amené à arpenter une partie de ces îles et des eaux environnantes, des eaux sauvages et d’une richesse incroyable, où on a l’opportunité d’observer des albatros survolant des groupes d’orques ou encore d’otaries. A l’occasion des opérations de marquage de fausses morues, j’ai eu l’opportunité de tremper quelques leurres dans ces eaux qui nous rappellent que nos océans peuvent regorger de vie, bien loin du spectacle souvent trop silencieux que nous offre nos côtes métropolitaines.

@Bruno Marie, consulté sur https://taaf.fr

Plan des Terres australes - @Bruno Marie, consulté sur https://taaf.fr



Un territoire extrême et des truites jusqu'à 8kgs

Afin de se rendre jusqu’au navire de pêche présent dans les eaux de Saint Paul et Amsterdam, il faut passer par le Marion Dufresne, mythique navire logistique des TAAF, qui fait escale à Kerguelen, île de la désolation, balayée par les vents des 40ème rugissants. Ce territoire, bien qu’éloigné de tout, a connu par le passé des tentatives d’entreprises économiques qui ont laissé des traces et modifié ces écosystèmes.

Une de ces tentatives est l’introduction de salmonidés dont la truite commune (Salmo trutta), qui a prospéré et colonisé de nombreuses rivières de l’île alors vierge de toute présence piscicole. Des études sur la colonisation des truites menées par l’INRA sont toujours en cours pour suivre la dynamique de ces populations et les nouvelles colonisations. Des prises de truites de plus 80 cm pour plus de 8 kg sont régulièrement rapportées par les pêcheurs récréatifs dans les estuaires de Kerguelen.



@Samuel Dejoie

@Samuel Dejoie



@Jules Selles

@Jules Selles



Une densité de poisson exceptionnelle

Une fois arrivés à Saint Paul, nous sommes transférés à bord du navire de pêche. Pour atteindre les objectifs du programme de marquage il fallait prélever les langoustes et les poissons en meilleure santé pour optimiser leurs chances de survie et qu’ils nous donnent le plus d’informations possibles. Les langoustes prélevées subissent peu de dommages, pour les fausses morues plutôt que de marquer des individus pris à la palangre, nous les avons pêchées à la ligne, avec de gros jigs. Les jig, très lourds et armés d’hameçons assist hook sans ardillons, sont montés sur des bas de ligne fort de 80 lbs. Les densités de poissons sont telles que les jigs n’ont que très peu le temps de s’animer sur le fond avant d’être sanctionnés par de lourdes attaques. L’armement est lourd pour remonter les fausses morues dont la taille peut atteindre plus de 75 cm et échapper aux dents acérées des thazards (Thyristes atun) très abondants et qui n’hésitent pas à prédater les prises.

Les données collectées durant cette campagne et les informations tirées des individus marqués et re-capturés demanderont un important travail d’exploitation, dont un travail de modélisation pour analyser les densités des populations, les vitesses de croissances ou encore les maturité sexuelles.